J’ai participé hier soir sur BFM.TV à un débat sur les jeux vidéo dans le cadre de l’émission « Le Soir », présentée par Jean-Baptiste Boursier.
L’actualité était la tenue, porte de Versailles, à Paris, du salon Paris Games Week, organisé par le SELL (Syndicat des Editeurs de Logiciels de Loisirs).
Face à un représentant de l’industrie des jeux vidéo, David Neichel, président du SELL (et président de l’éditeur Activision Blizzard) et face à Julien Tellouck, animateur sur la chaîne Game One (groupe MTV), peu réputée pour son esprit critique envers l’industrie des jeux, j’ai rappelé :
• que le jeu vidéo est devenu la première industrie du loisirs dans le monde, devant le cinéma, et qu’elle emploie désormais des techniques marketing très sophistiquées pour séduire une cible toujours plus large, de 7 à 77 ans ;
• que le phénomène d’addiction existe bel et bien, même s’il s’agit de pratiques minoritaires. Lors du séminaire « Jeux vidéo : addiction ? Induction ? Régulation » organisé par le CAS (le Centre d’Analyse Stratégique, une institution d’expertise et d’aide à la décision placée auprès du Premier ministre) en novembre 2010 et auquel j’avais assisté, le Docteur Marc Valeur, psychiatre et médecin-chef de l’hôpital Marmottan (une structure publique de soins pour toxicomanes), avait rappelé qu’il ne peut pas y avoir de définition clinique possible de l’addiction.
Il ne peut que constater qu’une personne vient le consulter en lui disant qu’elle veut réduire sa conduite, mais qu’elle n’y parvient pas seule. «Cela me suffit comme définition et cela me suffit pour légitimer mon action thérapeutique, avait-il précisé. C’est la souffrance des personnes concernées qui légitime notre action ; c’est cette souffrance qui définie l’addiction elle-même.»
Entre 2005 et 2010, l’hôpital Marmottant avait reçu 247 joueurs de jeux vidéo. «Ils jouent tous à un fameux MMORPG* : World of Warcraft, avait détaillé le Dr Marc Valleur. Pour ces personnes-là, l’addiction existe : elles veulent réduire leur utilisation.»
Sur ce sujet de la dépendance aux jeux vidéo, le Dr Marc Valleur m’avait accordé le 14 juin 2007 un long entretien dans le cadre de la préparation de mon enquête Les 90 questions que tous les parents se posent…
Vous pouvez en retrouver sept extraits vidéo de une à trois minutes, dans lesquels le Dr Marc Valleur nous présente les trois facteurs de la dépendance :
1 les jeux massivements multi-joueurs,
Un jeu massivement multi-joueurs en ligne, c’est quoi ?
2 un environnement familial tendu,
L’impact de l’environnement familial sur les joueurs
3 l’entrée dans l’âge adulte,
L’adolescence, période charnière
Puis, il nous explique pourquoi ces jeunes s’attachent aux jeux massivement multi-joueurs,
L’attrait que les jeux massivement multi-joueurs exercent sur les jeunes
Enfin, il nous donne quelques conseils pratiques :
• comment savoir si mon enfant est devenu dépendant aux jeux vidéo :
Comment savoir si mon enfant est « addict » aux jeux vidéo ?
• et que faire si l’on croit que son enfant est devenu dépendant aux jeux vidéo :
Que faire si l’on croit que son enfant a développé une addiction aux jeux vidéo ?
Pour visionner ces vidéos, vous devez disposer du logiciel QuickTime.
Si besoin, vous pouvez le télécharger sur http://www.support.apple.com/downloads/#quicktime
• que les jeux vidéo sont tous extrêmement chronophages et que leur pratique se fait souvent, chez les jeunes, au détriment d’autres activités indispensables à l’apprentissage de la vie en société.
• que l’industrie du jeu vidéo est quelque peu hypocrite en mettant en avant la signalétique Pegi pour les jeux vidéo, entrée en vigueur en mai 2003. Inspirée du «rating» (classement) mis en place, dès 1994, par l’industrie américaine des jeux vidéo, elle informe les acheteurs du contenu de ces logiciels. Elle comprend un logo, décrivant à partir de quel âge un enfant peut utiliser ces programmes informatiques, et une fiche détaillant les dialogues et les images (langage grossier, scène de nudité, consommation d’alcool, de drogue…). Et, normalement, un magasin de jeux vidéo ne devrait pas accepter qu’un enfant achète un jeu qui, au vu de cette classification, n’est pas de son âge.
La réalité est que les éditeurs de jeux vidéo ont préféré prendre les devants avant qu’une loi, plus contraignante, ne leur impose une classification extérieure. De toutes façons, ils savent très bien que cette classification sera bientôt caduque : dans quelques années, plus personne, en effet, n’achètera de CD-Rom en magasin. Les jeux seront uniquement téléchargeables sur Internet, ce qui laissera la porte ouverte à tous les abus…
Enfin, avec cette classification, les éditeurs de jeux se lavent les mains de tout problème qui pourrait survenir avec leurs produits : la responsabilité du contrôle du contenu des jeux revient désormais aux parents, que les éditeurs estiment suffisamment avertir, avec cette classification, de la violence ou du « sexe » que peuvent receler leurs jeux.
*«Massively multiplayer online role-playing game»ou «jeu de rôle en ligne massivement multijoueur» : jeu en ligne auquel peuvent jouer des personnes du monde entier et dans lequel il interprètent un rôle ; la partie ne s’arrête jamais…